CHELLES, la cosa nostra de nous
Par Cyril Keller
Photos : Rémi Lescaut
Le 21 décembre 2024 dernier, le Cosanostra Skatepark, le fameux skatepark de Chelles, fêtait ses 25 ans.
Temple du skate indoor en France dans les années 2000.
Refuge hivernal pour les pros français de cette époque.
Si la police scientifique cherchait un peu elle y trouverait facilement des traces d’ADN de Vincent Bressol, de Bastien Salabanzi ou même de Chad Muska.
Une histoire de potes qui se bougent le cul pour leur passion et qui finissent par devenir une étape des Vans Park Séries.
Super Sarah a pris son billet de TGV pour aller à cette teuf, et rencontrer Mathias Thomer, un des fondateurs du Tribe Skateboard Club et du skatepark de Chelles.
Une belle leçon de skate à travers la création d’un petit skatepark…
Sarah: Même si l’histoire est sur votre site, peux-tu me résumer vite fait l’histoire de la créationn du skatepark ?
MATHIAS THOMER (qui a même une page Linkedin : linkedin.com/in/mathias-thomer-443739b3 ) :
C’était dans les années 90, on est parti d’un constat: on avait envie de pouvoir pratiquer notre passion dans un milieu le plus favorable possible.
On avait eu la chance d’évoluer dans différents lieux, hangars, gymnases, en France et à l‘étranger, et on s’est dit qu’on pouvait nous aussi arriver à structurer notre passion autour d’un site entièrement dédié à ça et qui puisse nous permettre de pratiquer, les jours de pluie, le soir la nuit, toute l’année. On a regardé ce qui se faisait autour de nous dans le skate mais aussi dans d’autres disciplines…Et on s’est rendu compte que dans le tennis ou le golf ou d’autres pratiques sportives il y avait largement l’espace et les moyens de pratiquer, certes ils avaient une plus longue histoire, mais les mecs au tennis ils sont 6 dans un hangar de 2000m2 et ils sont bien. Alors pourquoi pas nous. On se devait d’avoir un parking, un vestiaire, un club house, de la chaleur, de la lumière bref toutes les conditions pour que l’on puisse s’épanouir a travers notre passion, c’était ça la genèse du projet.
Entre la creation de l’asso et l’ouverture du parc, il s’est passé combien de temps ?
L’asso a été créée en 1997, mais nous on s’est rencontre au lycée entre 1984 et 1989, à cette époque peu de gens pratiquaient le skate et donc, dès qu’il y avait un skater, même si il habitait loin, c’était « ouah il parait que y’a un skater à 10km, vas y demain je vais le voir, faut que je le trouve !» Evidement à cette époque pas de téléphone portable et cetera, je vais là bas et on verra ou il est ! Et forcement ça crée des liens.
Il s’est donc passé du temps entre ces rencontres , l’asso, la création du Park, nous n’avez jamais douté ou envie de laisser tomber ?
Si bien sûr on a douté, on a failli abandonner, mais c’est comme un trick.
Quand on apprend un trick on tombe 1000 fois, mais on se dit peut-être que si demain j’essaie différemment ça peut marcher..
On a crée l’asso, qui s’appelle Tribe Skateboard Club en décembre 1997, et on est arrivé dans ces locaux en octobre 1999.
Sachant qu’ici c’est un ancien tennis couvert et on payait 4500€ par mois, donc on avait pas le choix. Si on veut vraiment aller vers ce que l’on veut on va devoir mettre toutes nos billes dans un challenge qui est un site dédié à la pratique du skate.
A cette époque on avait un bail précaire, qui courait sur 3 mois…Donc fallait faire vite et très très bien.
Quand on a signé le bail, je m’en souviens bien parce que j’étais président de l’asso et la première nuit tu regardes le plafond et tu te dis wouha c’est chaud !
Il va falloir entre le lundi matin 9h et le dimanche 21H trouver une occupation pour faire en sorte qu’on puisse developer le projet, aller au bout de nos espoirs, et en même temps que ce projet soit viable sur le long terme.
Gérer un pété de monde pour les 25 ans, une difficulté ou une qualité ?
C’était quoi les plus grosses difficultés ?
Oh ! La première année chaque matin était la plus grosse difficulté !
Il fallait qu’on arrive à être acceptés au niveau réglementaire pour la construction des modules, donc on a travaille avec la norme AFNOR. Il fallait aussi developer le métier d’éducateur sportif skateboard, parce que pour developer l’école de skate, aller dans les écoles ou les recevoir, il fallait qu’il y ai un diplôme qui soit dédié a ça
Il a fallu transformer ce site qui était fait pour le tennis et pour une 10zaine de personnes, en un truc fréquenté par 100, 150 personnes ce qui veut dire passer par une commission de sécurité, pompiers gendarmes, etc, et les convaincre.
Mais aussi nous convaincre nous-même que ce qu’on était en train de faire c’était jouable.
Bref des barrières tous les jours soit matérielles soit logistiques, soit financières.
On s’est tous appuyé sur ce que l’on savait faire, le skateboard.
En skateboard tu tombes 1000 fois tu réussis une fois, et quand tu réussis tu te dis « ok c’est jouable » donc tu progresses petit à petit.
On s’est pris des claques et des claques et des claques, et on s’est dit c’est pas grave on essaye de décoller monter le trottoir et rouler ! SI ça passe une fois c’est qu’on est capable de le faire, allez on avance !
Est ce que Chelles est le premier skatepark couvert de France ?
Non, en 1999 quand on a ouvert il y avait déjà un skatepark a Ivry Sur Scène, Roller Park Avenue, qui a ouvert quelques semaines avant nous. Apres c’était plutôt dédié au roller donc ils n’ont pas duré très longtemps, mais ils étaient là avant nous.
Ton meilleur souvenir c’est quoi ?
Y’en a beaucoup ! Chaque jour est un bon souvenir. On a essaye de construire plein de bons souvenirs. A la manière d’une session de skate. Tu skates et tu essaies que ce jour la soit inoubliable, tu le documentes, tu le filmes etc.
Chaque jour on essaie de faire comme aujourd’hui, un truc qui va rester dans notre mémoire.
On a avancé comme ça. Vraiment comme une progression en skate, aujourd’hui je monte un trottoir, demain je monte un curb et peut être que dans 2 jours je vais sauter 5 marches . C’était vraiment notre façon de voir le truc.
Le skateboard serait une sorte de situationnisme ?
Peut-etre ! C’est à chacun de se l’approprier. Il est clair que le skateboard pour moi est une forme d’expression humaine qui est assez improbable, incroyable qui se rapproche de plein de courant artistiques, de courants de pensée. Il suffit juste de les connaitre pour se rendre compte que l’on est pas seuls avec notre skate.
Ca a du être un grand moment le jour ou Vans vous a dit qu’ils allaient vous faire un bowl !
Ouais ! Sauf qu’ils ne nous ont pas dit ça ! C’est nous qui leur avons dit « on est chaud venez chez nous! »
On a essayé d’utiliser un concours de circonstances. En 2016 un émissaire de chez Vans, Alexis Jauzion, avait envie que le Vans Park Séries existe en Europe, il y a fait déjà Malmö, et donc pourquoi pas Paris.
Il y avait aussi l’arrivée des JO en 2024. Alors en 2016 on s’est dit, que le format des Vans Park Séries pourrait être qualificatif pour le bowl aux JO. Vans était aussi proche des JO à l’époque. Sachant qu’ils avaient et le format, le concept, et l’organisation d’une compétition qualificative pour les JO. Alors on a poussé, on a dit nous on est prêts à le faire, bref recevoir le Vans Park Séries, on y croit. Dès 2016 ça pouvait servir aux qualifications pour 2024, voire même de Tokyo 2020.
Vans qui voulait avoir un pied à terre à Paris a misé dessus, l’Etat aussi et donc la région Ile de France.
La brèche était ouverte, alors on a mis tous nos atouts en avant, la proximité de Paris, de l’aéroport, nos 15ans d’histoire et notre capacité à porter ce type de projet.
Une fois qu’on a réussi à faire comprendre à Vans qu’on était compétents ensuite on est rentré dans un autre game. Dans l’oeil du cyclone.
C’est vraiment « les gars vous voulez y aller, alors va falloir le faire »
A ,partir ,de la, toutes les difficultés dont je parlais avant, tu les multiplies par 3. Et elles peuvent arriver, non pas dans une journée normale entre 8h du matin et 20h, mais plutôt à l’heure américaine, c’est à dire que toi tu galères toute la journée au niveau français voire européen et la nuit c’est les ricains qui t’envoient des mails.
Une fois de plus on s’est lancé dedans comme dans un trick. Un trick bien chaud, la c’est pas sauter 3 marches, c’est back tail à El Toro.
Alors on s’est entrainé à faire plein de back tails, et le jour d’EL Toro quand les mecs sont venus, deux jours avant la compétition des Park Séries, on était en train de finir le bowl .
La difficulté c’était de se dire ok ça va le faire, on peut le faire, le bowl va être prêt. On va avoir la commission de sécurité qui va nous dire qu’on peut accueillir tout le monde. Steve Van Doren, Tony Hawk, Jeff Grosson seront là ! On va le faire !
“Filme, Mattéo, filme, on a besoin de ref’ pour l’appel d’offre de la SLS”
Et est-ce que Chelles pourrait éventuellement acceuillir la SLS ?
Wow!
Non, non. Parce que dans ce genre d’évènements, comme les JO, ce qui compte c’est la capacité d’accueil du public, et il faut une jauge de 6000/7000 personnes. Nous c’est que des amis, et tous les amis réunis on arrive a être 1000 grand maximum.
C’est pour ça que ça n’a pas été possible de faire les JO ailleurs qu’a la concorde ?
Oui, il y avait un argument principal qui était: les Jeux doivent être en centre ville. Ensuite la capacité d’accueil, il faut pouvoir mettre 6000 personnes avec la possibilité de venir en transports en commun, de pouvoir évacuer des gens.
Et pour finir, quel est ton légume préfère ?
Euh moi j’aime bien la salade. J’allais dire la carotte mais je préfère la salade.