LE SKATEBOARD, UNE AFFAIRE DE TEMPS

Par Cyril Lestage

Rome ne s’est pas faite en un jour, pas vrai ?

Et pourtant, on voudrait tous que tout arrive si vite : notre premier kickflip, notre nouvelle board ou le week-end prochain, parcequ’un nouveau skatepark va ouvrir quelque part.

En 2025, tout est si instantané. Via les pages internet du skateshop du coin (ou de loin !), avec un message sur Insta rapide… vous saurez fissa si cette nouvelle board que vous souhaitez est en stock. Fini le temps des déplacements jusqu’au magasin parcequ’il ne répondent pas au téléphone, fini les textos à un pote qui “sais ce qu'il y’a”. On peut faire tout, toute seule dans son salon à 2 heures du matin. Antoine peut aussi, tout seul, voir toutes les street parts de Yuto (attention, il y a un piège) sans jamais avoir à emprunter une vidéo ou à demander conseil à son poto Mattéo, qu’il ne voit d’ailleurs qu’en session. Et encore, il le voit juste quand ils vont skater pour filmer leur “session insta” sur le ledge en descente du park à côté de chez eux. Sa cousine Laure qui vit à des centaines de kilomètres, en Suisse, n’a elle pas de potes de skate et va rouler le parking du Lidl à côté de son bureau, après le boulot.

Est-ce qu’elle va arrêter le skate à cause de cet isolement ? Probablement. Ou pas. En tout cas, pour skater, elle ne prend pas le temps de contacter des gens. Elle en a un peu peur, des gens.

Tout ce que nous avons à disposition, il en fallu du temps, pour le mettre en place. Depuis les années 50, des fabriquants se sont succédés pour nous permettre d’avoir un skate sous nos pieds et le faire évoluer. Ce sont des industriels, ou de simple passionnés. Ils nous ont donné la roue en urethane, les skateparks, et les bigspin flips back sur des marches. Elles ont fait pousser des assos à Saint Etienne, donné naissance à des générations de skateurs, et elles ont fumés des joints sur la margelle de bowls qu’elles ont aidé à construire au Maroc ou en banlieue de Paris.

Il en a fallu du temps, pour qu’on arrive en 2025 avec du “skateboard” au jeux olympiques et autant de personnes qui vivent de leur passion pour le skateboard, avec un petit peu de sous ou beaucoup plus, et grâce souvent à du travail et beaucoup de débrouille.

Tout ce temps qu’il a fallu peut arriver à une fin. Brutale, sans prévenir, et Antoine ne la verra pas venir. Si on ne prends pas le temps de prendre son temps, et de regarder ce qu’on fait avec le skate, alors on n’aura plus jamais le temps de rouler sur une planche et Bastien ne prendra plus jamais le temps de finir minutieusement la margelle de piscine du bowl de Caluire. Ce qu’auront construit ces skateboarders avant nous ne servira à rien, et nous, nous n’aurons rien. Un peu comme au skateshop du coin. Ah, il a fermé ?

Ah, bin tiens…

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